22 – 27 novembre 2021. Chiapas, Mexique — Convenant de la nécessité de renforcer les échanges d’expériences pour mieux comprendre les technologies de connectivité émergentes, les jeunes du Petén, Guatemala, qui font partie de la École Mésoaméricaine de Leadership (EML) de l’Alliance Mésoaméricaine des peuples et des forêts (AMPB) ont traversé la rivière Usumacinta pour explorer des expériences d’autonomie technologique et de communication communautaire au Chiapas, Mexique.
La région du Chiapas, de proximité géographique et culturelle au département du Petén, Guatemala a été le scénario de notre premier échange international dans lequel, des jeunes provenants des communautés à plus fortes restrictions de connectivité ont représenté leurs groupes, avec la mission de savoir comment est-ce que les différentes technologies fonctionnent technique et socialement afin de les adapter à leurs territoires et communautés.
Après la traversée migratoire toujours difficile de cette frontière artificielle qui sépare Chiapas et le nord du Guatemala, nous avons quitté des terres chaudes de la jungle lacandone jusqu’à la municipalité d’Ocosingo, connue dans le monde entier pour être l’épicentre du soulèvement indigène zapatiste en 1994.
Déjà dans les montagnes des Altos de Chiapas, sentant des vents frais et rebelles, le groupe est arrivé à la communauté d’Abasolo pour connaître et discuter des différents processus d’autonomie technologique, de communication et de connectivité communautaire. À notre arrivée à Abasolo, la famille de la radio communautaire Jitontik nous a accueillis avec un délicieux bouillon de poulet, tandis que les collègues María et Adrián de l’association Redes por la Equidad, la Diversidad y la Sustentabilidad A.C. et Lorena et Manuel de Boca de Polen nous attendaient à table. Sentant déjà le froid, nous installons nos affaires pour nous retrouver autour d’un feu de camp et partager l’expérience de la radio Jitontik, à travers les voix de Jesús et Genoveva.
Ce feu est symbolique, car suivant la tradition des peuples Purépecha de l’ouest du Mexique, comme beaucoup d’autres, lorsqu’une réflexion et une discussion sur les problèmes qui concernent la communauté sont nécessaires, elle se réunit autour du feu. Le feu dans ce cas, non seulement nous invitait à réfléchir par l’écoute et la parole, mais nous invite aussi à créer, à matérialiser nos rêves.
Expériences de l’intranet et de la radio communautaire Jitontik
La radio communautaire Jitontik, le nom original de la communauté qui s’appelle maintenant Abasolo, est née de l’initiative d’un groupe de jeunes autochtones, qui sans ressources ni formation préalable ont commencé le rêve de partager leurs sentiments avec leur communauté dans sa langue autochtone maya: le Tseltal. Ils ont acheté un « petit » émetteur qui a survécu tout au long du processus à trois coups de foudre, aux expulsions et au sabotage des autorités et d’autres groupes locaux, comme les bases zapatistes elles-mêmes.
« Les zapatistes sont entrés dans notre fréquence. C’était jusqu’à ce que nous parlions avec eux, nous leur parlions de notre projet, qui était le nôtre, nous n’étions pas du gouvernement, nous étions des jeunes de la communauté et donc, ils nous ont quittés, ils nous ont soutenus », a déclaré Jesús. « Pourquoi continuons-nous ? Nous continuons parce que les gens nous écoutent, ils nous demandent de continuer. Maintenant que nous sommes ici, chez nous, personne ne peut pas nous faire sortir et les gens des communautés nous soutiennent quand nous en avons besoin. Ils sont venus, ils nous apportent le peu qu’ils ont pour soutenir la radio.»
La radio, Geno nous dit, a donné la voix aux femmes comme jamais auparavant dans la vie communautaire, elle a créé un espace d’expression et de transmission des savoirs. « Elles m’invitent, elles m’accueillent chez elles, on se retrouve, on discute et elles me disent, si je ne te le disais pas, je n’aurais personne à qui le dire.»
Le deuxième jour à Abasolo, nous avons rencontré Luis Ramón Alvarado Pascacio, connu dans la région (et internationalement) comme « le prof Luis Ramón ». Avec lui, nous partageons l’histoire de sa vie consacrée à l’enseignement et à la construction de l’autonomie technologique des peuples autochtones. Luis Ramón a créé l’intranet Jnoptik Intrabach dans lequel, les ressources éducatifs et communautaires sont contenus sur un serveur qui peut être consulté via une connexion Wi-Fi gratuite sur n’importe quel appareil électronique. Sans avoir besoin d’Internet, les étudiants et le grand public peuvent consulter des livres, des encyclopédies, des vidéos, des tutoriels… pour autant qu’ils soient d’utilisation et de reproduction libre.
Avec des collègues de la station de radio et le prof Luis Ramón, nous avons appris les détails techniques de la radio et de l’intranet. Nous avons exploré des concepts tels que l’autonomie technologique et les logiciels libres, qui ont été des piliers des processus communautaires autonomes. Nous avons mis fin à cette incroyable visite en partageant avec la voix de Geno pendant la transmission radiale en envoyant des salutations aux communautés de la région.
Ainsi, nous avons quitté Abasolo à destination de San Cristóbal de las Casas pour continuer les activités d’échange avec l’équipe de Boca de Polen et Redes A.C..
Téléphonie, serveurs autonomes et autres projets de connectivité communautaire
Lors de la première séance de travail, l’école mésoaméricaine pour les jeunes leaders a été présentée et en particulier le travail de l’Association des Communautés Forestières du Petén ACOFOP dans la conservation et la gestion communautaire durable de la Réserve de la Biosphère Maya (RBM).
Dans cet espace, chaque jeune représentant a expliqué l’histoire et l’origine de leurs communautés et organisations, ainsi que leur engagement dans la gestion et le suivi de la réserve, introduisant également les problèmes de connectivité de leurs communautés.
Boca de Polen a fait de même en partageant avec nous les 20 ans d’histoire et de travail de l’organisation dans la formation technique et journalistique des membres des communautés et organisations indigènes et paysannes. À travers leur manifeste, ils ont partagé quelques réflexions, des questions profondes après deux décennies de travail communicatif et communautaire, pour réaffirmer leur vocation à voyager comme du pollen, à travers le vent pour tomber sur une terre fertile et continuer à générer une nouvelle vie. Ce pollen qui vole désormais avec les jeunes de l’EML vers le Petén.
Enfin, María et Adrián de Redes por la Diversidad, la Equidad y la Sustentabilidad A.C. Ils nous ont partagé certaines des expériences de l’organisation accompagnant les processus communautaires tels que la Téléphonie Cellulaire Communautaire à Oaxaca et Puebla, au Mexique. Ils ont également partagé avec les jeunes du Peten la méthodologie que l’association a construite au fil des aventures, des défis et des victoires des communautés elles-mêmes, pour clore la session avec un atelier d’introduction sur les serveurs autonomes.
Dans cet exercice, ils ont invité les jeunes à utiliser cette méthodologie et à réfléchir, avec leurs communautés, à leurs propres stratégies de communication en partant du terrain qu’ils foulent, c’est-à-dire des besoins du territoire, mais aussi de ses forces, tels que l’organisation territoriale qui s’est construite autour d’une gestion durable et communautaire des forêts. Et surtout, à partir de leurs rêves, les rêves des jeunes pour les communautés et les territoires qu’ils veulent construire : des forêts pour toujours, des forêts pour des peuples.
Cet échange a été organisé par The Invisible Thread (TINTA) dans le cadre de l’initiative Weaving Ties / Tisseur de liens, en collaboration avec l’École Mésoaméricaine de Leadership (EML), qui fait partie de l’Alliance Mésoaméricaine des peuples et des forêts (AMPB), une coalition d’organisations et autorités régionales et locales des principales forêts du Mexique au Panama.